— Le Graal n'est pas un simple roman de chevalerie. Il s'agit d'un ensemble d'oeuvres en vers et en prose dont la résonance littéraire et légendaire connut pendant tout le moyen âge une extraordinaire fortune et qui, de nos jours encore, excite l'intérêt. Graal est « un maître-mot des littératures occidentales… Dans le champ de la pensée mythique, le Graal est une voie lactée ; il ensemence des cycles divers, allume sa lumière dans tous les coins du ciel… Semblable aux mythes universels, le Graal a vu converger vers lui un grand nombre de fables, de légendes, de croyances primitives qui donnaient à l'homme religieux de jadis une explication de son destin » (Lumière du Graal, p. 7-8). Pierre Ponsoye nous paraît avoir le mieux exprimé, en un saisissant raccourci, le sens du mythe : « Coupe prophétique des celtes, vaisseau chargé du sang divin, ou pierre de révélation descendue dans le ciel oriental, le Graal est le signe de ce mystère, transmis en secret du fond des âges, et porteur de cette même lumière primordiale, de cette Luce intellettual piena d'amore que Dante considère au Paradis, et qu'en un moment élu l'Occident s'étonna de voir briller en son propre coeur » (L'Islam.., p. 18). Le grand mystère du Graal, — il y en a un tout différent de celui qui ne sera révélé qu'à l'Élu —, est l'apparition et le succès de la légende. Les romans 673 du cycle d'Arthur et de la Table ronde ne la connaissent pas. Elle apparaît soudain vers 1180, alors que la légende arthurienne était depuis longtemps répandue dans le monde occidental. Le « rameau du Graal a été enté à un certain moment sur l'arbre vénérable grandi en terre celtique » et cela si parfaitement que la soudure « répond à une nécessité intime de la logique symbolique ». On ne peut tout expliquer, et c'est pourquoi les exégèses diffèrent et se contredisent selon la version ou le conte analysé. Le mythe, aussitôt connu et reçu, se transforme, évolue rapidement. Les fictions profanes, les vieux thèmes folkloriques et les allusions chrétiennes s'entremêlent. Le mythe se purifie progressivement, se christianise dans sa forme la plus parfaite, la Queste del Saint Graal, où, à la suite de Pauphilet et de Gilson, on a voulu...

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